Selon un article de La Tribune, du mercredi 3 août 2011 (« Contrefaçon : la Chine ose tout »), on trouverait dans la région de Kunming des vrais-faux magasins Ikea et des faux Apple store ! Quelle surprise, après avoir été fortement interpelés par les gros titres, de découvrir à la fin de ces longues colonnes faisant état du danger que représentent « les Chinois » pour la grande industrie internationale, que les faux magasins Ikea sont en fait « un magasin implanté à Kunming : « 11 Furniture », et qui ressemblerait fort à l’enseigne d’Ikea ». Pour ce qui est des vrais-faux Apple Store nouvellement implantés en Chine, « deux vendeurs Apple non autorisés on déjà fermé leurs portes » et « …la municipalité de Chongqing (centre [de la Chine]) enquête sur un faux Apple Store sur son territoire. ». Bref, ce ne sera pas à Chongqing que nous découvrirons la date de sortie du prochain Iphone 5, mais bien lors du prochain pitch de Tim Cook.
Cette anecdote montre que la Chine est capable de nous étonner sur son propre territoire. Mais la contrefaçon reste un problème international, car si la distribution était difficile il y a vingt ans, il en est tout autrement aujourd’hui. Internet a permis de décupler les profits en moins de 15 ans. Dans son rapport de 2009 intitulé « Piratage cinématographique, crime organisé et terrorisme » (Film Piracy, Organized Crime and Terrorism) Rand Corporation fait état de l’implication de pas mois de 24 organisations criminelles dans la distribution de produits contrefaits. Ces mêmes organisations internationales sont responsables du trafic de la drogue, des plus gros réseaux de prostitution internationaux, du blanchiment d’argent, du trafic d’armes, du financement d’actions terroristes et autres crimes en tous genres. Nous sortons ici de l’idée d’une distribution internationale orchestrée par des entreprises chinoises ayant « pignon sur web », voire sur rue. (Source : www.rand.org/pubs/monographs/MG742.html)
Une loi concrète pour faire face au fléau
Face à des cas de plus en plus complexes, des moyens plus importants ont été mis en place. Ainsi avons-nous pu noter que non seulement, la loi n°2007-1544 de lutte contre la contrefaçon, modifiée le 16 mai 2009, a permis d’élargir le champ d’application de la lutte anti-contrefaçon à tous les droits de propriété intellectuelle, mais a également facilité les poursuites en cas de contrefaçon.
En outre, cette même loi vise à améliorer la réparation des préjudices causés par les contrefacteurs en permettant de solliciter une indemnisation forfaitaire au moins égale au montant des redevances qui auraient dû être acquittées, prenant donc ainsi en compte les bénéfices injustement réalisés. Cela s’applique dans le cas d’une « entreprise solvable » (voir décision de la Cour d’appel de Paris du 3 septembre 2010 – Affaire LVMH vs eBay). Si eBay, tout comme Google, ont une part de responsabilité conséquente dans le problème de la distribution de produits contrefaits, les attaques sont dirigées vers des entreprises « bankable ». Qu’en est-il des distributeurs organisés et des consommateurs de faux ?
Les points positifs de la loi de lutte contre la contrefaçon concernent le durcissement des sanctions. Comme rappelé dans un précédent article de La Revue , le concept de contrefaçon « à échelle commerciale » prévu par la directive, a été abandonné par la loi. Cela permet dorénavant, et déjà plusieurs cas ont abouti avec succès ces dernières années, d’incriminer les « téléchargeurs » individuels qui pouvait jusqu’à lors se prévaloir de l’absence de « recherche d’un avantage économique et commercial direct ».
Cette loi vise donc intelligemment et légitimement une réelle intention de nuire de la part de certains citoyens.
Reste à adopter une loi similaire destinée au consommateur de contrefaçon, sur Internet. Acheter du faux sur la toile est devenu plus facile que jamais.
Le problème n’est pas simple. Certes l’aspect propriété intellectuelle reste le point le plus facile à régler en termes juridiques pour les entreprises, mais le fléau de la distribution internationale de produits contrefaits reste, quant à lui, le point le plus difficile à aborder. Même si les moyens mis en œuvre par les services douaniers ces deux dernière années dépassent tout ce qui a été fait jusqu’ici, le revenu brut annuel généré par cette activité illicite approche les 200 milliards de dollars (dernière estimation de l’Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE) avec des conséquences assez désastreuses dans une période de crise économique internationale durable.
Article rédigé par Fabrice Guéroux pour la revue du cabinet d'avocats Squire Sanders.